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Est-ce qu’un diagnostic de trouble d’apprentissage peut bouleverser tes projets d’études et de carrière ?

Ou comment surmonter un diagnostic de dyslexie à l'âge adulte

Par
Lena Cosic
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Être diagnostiquée dyslexique, quelques mois avant d’entamer sa candidature pour une maîtrise d’orthophonie, ça chamboule un peu.

Comment la découverte si tardive d’un trouble de l’apprentissage peut-elle ébranler la vision qu’on se faisait de notre avenir? Quelles sont les ressources disponibles pour maintenir le cap? Et surtout, comment faire de ce diagnostic une force? C’est l’histoire que Gabrielle a accepté de nous partager.

Déjà, la dyslexie, qu’est-ce que c’est? En quoi est-elle liée à l’orthophonie?

La dyslexie est un trouble de l’apprentissage d’origine neurologique. Il handicape la lecture et l’écriture en rendant difficile la perception des sons et le décodage des mots. Il s’agit du trouble d’apprentissage le plus fréquent, touchant 5 à 15% des enfants d’âge scolaire.

Bien connue, la dyslexie est donc souvent diagnostiquée tôt, ce qui permet des aménagements tout au long de la scolarité.

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Ce handicap est étroitement lié à l’orthophonie, puisque cette discipline paramédicale a pour mission d’accompagner les personnes en proie à des troubles de l’apprentissage, de la parole et du langage, dont la dyslexie fait partie. Plus globalement, l’orthophoniste est un spécialiste du système vocal et cognitif. En plus de procéder à des diagnostics, il prend également en charge des artistes voulant travailler leur voix, des enfants souffrant de trouble de déglutition et des personnes sourdes et malentendantes.

Le champ des possibles est vaste pour l’orthophoniste. Si celui-ci peut travailler dans divers milieux (scolaires, hospitaliers, privés ou publics), il en vient à se spécialiser au cours de sa carrière.

Lorsque le diagnostic tombe : un raz de marée d’interrogations

Lors de notre rencontre, Gabrielle est sur le point d’achever son bac et prépare ses candidatures de maîtrise.

Après avoir effectué un bac en neuroscience avec cheminement linguistique, qui constitue une voie royale vers l’orthophonie, elle vise une formation de maîtrise, proposée dans trois universités : l’Université de Trois-Rivières, l’Université Laval et l’Université de Montréal.

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Mais, il y a un hic. En 2021, Gabrielle a la chance d’assister à une journée d’observation chez une professionnelle. Elle réalise alors que, si elle veut avoir la possibilité de se faire diagnostiquer un trouble de l’apprentissage, c’est maintenant ou jamais. Pourquoi? Parce qu’ensuite, elle sera formée à repérer ces troubles et connaîtra toutes les réponses aux tests des diagnostics.

Cette réalisation peut paraître anodine pour quelqu’un qui n’a jamais envisagé la possibilité d’avoir un trouble de l’apprentissage, mais la situation de Gabrielle est plus complexe.

Depuis le début de sa scolarité, les bonnes notes sont au rendez-vous, ce qui lui a permis de « passer sous les radars ». Pourtant, une gêne subsiste, provoquant le doute :

« Depuis que je suis toute jeune, je perçois que j’éprouve des difficultés. Je me disais que c’était pas normal, ça me trottait dans la tête, sauf que tout mon entourage et mon environnement scolaire ne me confirmaient pas qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. »

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Pendant la majeure partie de sa scolarité, Gabrielle a donc composé avec ses difficultés, sans jamais que celles-ci ne soient perçues comme un « problème ». Mais, quand l’opportunité se présente enfin, elle ressent le besoin « d’aller chercher cette réponse-là ».

Finalement, le diagnostic tombe. Gabrielle est dyslexique. Rien de « choquant » pour celle-ci :

« Au final, toute ma vie, je l’ai un peu su ».

Évidemment, la première question qu’elle se pose est : « Est-ce que c’est toujours possible pour moi d’être orthophoniste? ». Ce diagnostic tardif peut-il venir bouleverser ses plans de carrières et d’études?

Ses interrogations émergent car la maîtrise d’orthophonie requiert un « grand niveau de perfectionnement de la langue », pouvant paraître incompatible avec un trouble du langage et de l’écriture. Cette exigence se matérialise par un test indispensable à la candidature : le SEL. Composé de deux parties, il évalue d’abord le candidat sur des questions appliquées d’orthographe et de grammaire, puis sur une rédaction ouverte et argumentative.

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Garder le cap : comment faire du trouble une force

Mais cet obstacle ne décourage pas Gabrielle. Bien déterminée à devenir orthophoniste, elle commence à étudier, tout en faisant les démarches nécessaires pour s’informer sur les éventuels accommodements auxquels elle a droit pour passer le SEL.

Depuis son diagnostic, elle explore aussi les différents aménagements que son université lui propose. Bien qu’elle n’ait jamais eu de problème à gérer son temps, le processus d’adaptation lui fait réaliser que parvenir à compenser pour son trouble dyslexique, ça « prend quand même beaucoup d’énergie » et que ces mesures lui permettent d’en « dépenser moins, ou du moins de la redistribuer plus équitablement dans la performance » et « d’être moins brûlée », à la fin d’un cours ou d’un examen.

En moins d’un an, et en expérimentant avec les divers accommodements afin d’éventuellement découvrir ceux qui lui conviennent le mieux, Gabrielle a pu identifier quelles seraient les meilleures stratégies à mettre en place au moment de passer le SEL. Entre autres, on lui offre notamment un tiers temps supplémentaire ainsi que la possibilité qu’un surveillant lui fasse la lecture des questions à haute voix.

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Au-delà de l’aspect technique de l’examen, Gabrielle s’est demandé :

« Est-ce que moi, je pourrais être une bonne orthophoniste ? ».

La vérité, c’est que si la dyslexie peut compliquer le parcours pour devenir orthophoniste, elle ne le rend pas nécessairement impossible.

Elle explique : « Pendant toute ma vie, j’ai mis en place des stratégies efficaces par moi-même, ce qui m’a permis, au final, de performer ». Gabrielle a ainsi acquis les compétences nécessaires pour pallier son handicap. Ces clés, elle pourra éventuellement les partager avec ses futurs patients.

Si elle ne se définit pas par la dyslexie, ce trouble lui permet une plus grande empathie envers ceux qui en sont atteints. D’ailleurs, selon elle : « je peux mieux comprendre et au final mieux les accompagner que quelqu’un qui n’aurait pas la dyslexie. »

Avec un vécu similaire au leur, une forme de complicité peut se créer dans l’accompagnement et le rendre plus fluide, voire plus efficace.

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Elle rappelle aussi que « c’est rassurant pour des jeunes d’avoir des figures, des symboles » pour montrer que c’est possible de faire des métiers valorisants.

Malgré les craintes et les doutes, c’est sur une note d’espoir que se termine notre entrevue au cours de laquelle Gabrielle a pu démontrer que, bien souvent, un trouble peut devenir une force, plutôt qu’une faiblesse.